Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/390

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cès qu’il avait obtenus, il les devait à Dieu et non aux hommes, car Dieu seul ne l’avait pas abandonné, au contraire de ce qu’avait fait le pape, lequel après l’avoir entraîné dans une entreprise pleine de périls, l’avait délaissé, espérant peut-être qu’il ne s’en tirerait pas. Sfondrato essaya de justifier le rappel que le pape avait ordonné de ses troupes, et la suppression des subsides qu’il avait promis, en disant que l’empereur, dans les conditions imposées aux princes et aux villes de l’Allemagne, n’avait point compris celle du rétablissement de l’ancienne religion, mais les avait obligées seulement de reconnaître son autorité; que jamais il n’avait fait part ni au cardinal Farnèse ni au nonce apostolique des choses qui se passaient, ni des opérations militaires projetées; que, d’après tout cela, le saint-père s’était convaincu que l’empereur ne faisait point la guerre pour restaurer en Allemagne la religion catholique, qu’il la faisait en vue de la soumission de ses sujets déobéissants et rebelles, c’est-à-dire de son avantage tout personnel, et que l’argent qu’on aurait continué à lui envoyer dans ce but aurait été employé sans utilité pour l’Église. L’empereur repartit que les prétextes ne manquaient jamais à qui voulait abandonner un ami; que dès le commencement, on était tombé d’accord de ne point parler de la religion tant que les protestants pourraient opposer de la résistance; que si l’on avait manifesté l’intention de faire la guerre dans l’intérêt du catholicisme, pour un ennemi il y en aurait eu cent qu’il eût fallu combattre et qui auraient poussé les choses jusqu’aux dernières extrémités; qu’il avait promis de perdre la vie et ses États ou de restaurer la religion en Allemagne; que le pape devait avoir foi dans sa parole, comme il s’était fié à celle de Sa Sainteté en entrant dans ce labyrinthe. Il s’excusa de n’avoir rien communiqué des opérations militaires au légat ni au nonce, en alléguant la nécessité de les tenir secrètes pour tout le monde, excepté pour ceux qui devaient les mettre en exécution. Il repoussa le reproche de n’avoir fait la guerre que pour châtier les princes et les villes rebelles à son autorité : s’il n’avait pas voulu avoir égard à ce qu’exigeait la cause de la religion, il n’aurait pas eu contre lui la moitié de ceux qui s’étaient trouvés dans les rangs de ses ennemis. Il se plaignit de la mauvaise foi du saint-père, qui, après avoir payé mesquinement ses troupes dans le but vraisemblable de les pousser à la désertion, avait fini par les rappeler, le laissant ainsi dans une position embarrassante; du reste, ajouta-t-il, il était très-content d’avoir pénétré les inclinations du pape, car, dans l’avenir, il se tiendrait sur ses gardes. La discussion se prolongea quelque temps encore sur ce ton. Le légat, voulant colorer la translation du concile de Trente à Bologne, l’attribua au mauvais air et à la peste qui avaient forcé les cardinaux et les prélats à fuir : « Si c’est la peste qui a occasionné la translation du concile, — répliqua l’empereur — pourquoi, maintenant que ce fléau a cessé, le pape ne le remet-il pas à Trente? Les prélats d’Espagne, de Naples, des Pays-Bas et d’autres pays n’ont pas eu peur de la contagion: ceux des États romains seuls craindraient-ils d’en être atteints? » Alors Sfondrato lui demanda ce qu’il ferait pour l’amour du pape et le maintien de son autorité, si Sa Sainteté, par égard pour lui, rétablissait le concile à Trente : « Je ferai — répondit l’empereur — ce qui sera juste et d’accord avec ma conscience. » Au mois de janvier précédent, un envoyé spécial de Paul III[1] était venu trouver l’empereur à Ulm, pour l’engager à conclure avec la France une paix plus assurée et plus étroite; le pape s’offrait à en être le médiateur : Charles lui avait répondu que son plus grand désir était de vivre en paix avec le roi de France, et qu’il était prêt à s’unir plus étroitement à ce monarque, si on lui proposait pour cela des moyens qu’il pût accepter[2]. Le cardinal Sfondrato revint sur ce sujet; l’empereur lui fit une réponse conçue à peu près dans les mêmes termes. Le légat le sollicita enfin d’user de son influence en Angleterre pour que ce

  1. Monsignor Gerone Bertano.
  2. Lettre de Charles à D. Diego Hurtado de Mendoza du 11 février 1547, dans M. Maurenbrecher, p. 86.