Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/391

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royaume retournât au giron de l’Église, et au besoin de l’y contraindre par la force ; l’argent qu’il lui faudrait pour une telle entreprise, le souverain pontife était tout disposé à le fournir. Charles lui dit qu’il avait déjà agi auprès des régents d’Angleterre, afin de les engager à y rétablir le catholicisme ; qu’il renouvellerait ses efforts dans ce but, mais qu’il n’aurait jamais recours à la violence, car non-seulement le nouveau roi[1] et le royaume étaient sous sa protection, mais encore il avait avec eux une ligue perpétuelle et héréditaire ; il ajouta qu’il prendrait plutôt les armes pour le dernier des Romagnols qu’en faveur du pape, qui l’avait abandonné dans la récente guerre d’Allemagne[2]. Quelques mots furent échangés encore entre les deux interlocuteurs : après quoi le légat se retira[3]. Paul III attachait une grande importance à l’ambassade du cardinal Sfondrato[4] ; il apprit avec un vif déplaisir le peu d’effet qu’elle avait eu. L’assassinat de son fils Pierre-Louis Farnèse, dans lequel il fut avéré qu’avait trempé le gouverneur de l’État de Milan, et l’occupation de Plaisance par don Ferrante Gonzaga, mirent le comble à son animosité contre l’empereur.

Charles, poursuivant son chemin, arriva le 6 août à Nuremberg, où il s’arrêta douze jours. Il y reçut des députés de Hambourg, de Brême, de Lubeck, ainsi que des ducs de Poméranie et de Lunebourg, qui lui présentèrent la soumission de ceux par lesquels ils étaient envoyés[5]. Nous avons dit que, lorsqu’il projetait de se rendre à Francfort, il avait convoqué dans cette ville les états de l’Empire. Les affaires de Saxe l’ayant appelé de ce côté, il avait contremandé l’assemblée de Francfort, et indiqué à Ulm, au 25 mars, le réunion de la diète, près laquelle il avait député, en qualité de ses commissaires, le cardinal d’Augsbourg, le marquis Jean de Brandebourg et le sieur de Lyere, son lieutenant-gouverneur du duché de Luxembourg[6]. Cette Réunion était restée sans fruit, une maladie contagieuse s’étant déclarée à Ulm, qui avait déterminé les membres des états à en partir avant qu’ils eussent résolu sur les points soumis à leurs délibérations. Charles convoqua une nouvelle diète à Augsbourg pour le 1er septembre, en annonçant qu’il y présiderait lui-même. Le roi Ferdinand et le duc de Bavière auraient désiré qu’elle se tint à Ratisbonne : l’empereur donna la préférence à Augsbourg, d’où il pouvait mieux diriger les affaires d’Italie, observer les mouvements des Français et des Suisses, et au besoin recevoir des secours des Pays-Bas[7]. Il fit son entrée dans cette ville le 23 juillet. Le duc Jean-Frédéric l’y avait précédé ; le landgrave resta à Donauwerth.

Charles était de quelques jours à peine à Augsbourg qu’il fut pris de la jaunisse ; pendant la plus grande partie du mois d’août, cette maladie le tint éloigné des affaires[8]. À la date fixée, le 1er septembre, il ouvrit la diète. Elle était plus nombreuse qu’on ne l’avait vue depuis bien des années : la plupart des princes et des députés de presque toutes les villes de la Germanie assistaient à la séance d’ouverture ainsi que les électeurs de

  1. Édouard VI. Henri VIII était mort dans la nuit du 28 au 29 janvier 1547.
  2. Il avait dit, quelque temps auparavant, au nonce résidant à sa cour que non-seulement il ne prendrait par les armes pour le pape contre le roi d’Angleterre, mais qu’il ne les prendrait pas en sa faveur contre le plus méchant homme du monde (que en tomar los armas no solo no las tomariamos para contra este rey por Su Santitad, pero ni contra el mas mal hombre que oy vive). Voir sa lettre du 17 mars 1547 à D. Diego Hurtado de Mendoza, dans Maurenbrecher, p. 99.
  3. Tous ces détails de la conversation de Charles-Quint avec le cardinal Sfondrato nous sont fournis par le comte de Stroppiana, dans une lettre du 5 juillet 1547 au duc de Savoie Charles III. Stroppiana les tenait du prince de Piémont, Emmanuel-Philibert, qui était présent à l’audience que l’empereur donna au légat.
  4. Voir, dans Döllinger, Dokumente zur Geschichte Karl’s V, etc., les lettres de D. Diego Hurtado de Mendoza à l’empereur, des mois de mai et juin 1547.
  5. Sandoval, liv. XXIX, § XXXII. — Le P. Barre, t. VIII, p. 760.
  6. Lettres de Charles à le reine Marie, des 11 et 20 mars 1547. (Arch. impér. à Vienne.)
  7. Lettre de M. de Granvelle à la reine Marie, du 4 août 1547. (Arch. impér. à Vienne.)
  8. Charles n’était pas un malade aisé à guérir. « Toute ma difficulté » — écrivait son médecin, le docteur Baersdorp — « est sa subjection de ses voluntez. Je ne luy puis donner ce que convient sans en user grande industrie, jusques à le mettre qu’il le demande mesmes, et que je face semblant à priser son intention, en moy y accordant. » (Lettre du 14 août 1547 à la reine Marie, aux Archives impériales, à Vienne.)