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l’impossibilité où se trouvait le saint-siége de les secourir; par conséquent la nécessité de bien calculer le moment où l’on donnerait principe au concile et de bien régler la façon dont on y procéderait afin qu’une heure ne fût pas consumée en vain ; il en déduisit l’opportunité d’obtenir de nouveau des états de la Germanie, des protestants aussi bien que des catholiques, l’engagement de se soumettre aux décrets du concile. Il appela ensuite l’attention de l’empereur sur l’importance de déclarer que les décisions prises antérieurement à Trente sur les matières de la foi ne pourraient plus être mises en débat ; enfin il réclama son assistance pour que, dans le concile et hors du concile, l’autorité que le pape tenait immédiatement de Dieu fût respectée de tous. Cette communication fut très-bien prise par Charles, qui témoigna au nonce sa satisfaction des dispositions où était le souverain pontife[1]; seulement il lui fit observer que le moment n’était pas propice pour déclarer qu’on ne remettrait pas en question ce qui avait déjà été décidé à Trente, et que cela serait plus à propos lorsque le concile serait réuni. Quant à l’autorité du pape et du saint-siége, il l’assura qu’il en serait le protecteur à l’avenir, comme il l’avait été par leb passé[2].

Les états de l’Empire, ayant délibéré sur la proposition du 26 juillet, présentèrent leur réponse au roi des Romains (l’empereur étant indisposé) le 19 août[3]. Ils consentaient à soumettre les différends sur la religion au concile universel, comme y avait consenti la diète précédente. Ils demandaient, relativement à ceux qui, ayant accepté l’intérim, ne l’observaient pas, qu’on s’enquît des raisons qu’ils avaient de s’en excuser, et qu’on les entendît ensuite. Ils offraient de s’employer auprès des villes réfractaires, pour les amener à une amiable composition. Au grand étonnement de la diète et du public, les commis de l’électeur Maurice ne votèrent pas la première résolution, mais ils protestèrent qu’ils voulaient un concile où le pape n’eût la présidence ni en personne ni par ses légats. Cette conduite de Maurice fut attribuée à son désir de gagner les cœurs des peuples luthériens, et surtout des Saxons ses sujets, qui ne l’aimaient guère et le haïssaient même[4]. Charles ne s’en émut point[5], ayant, comme nous l’avons dit, l’engagement écrit de Maurice de se soumettre aux décisions du concile.

Depuis plusieurs années, la santé de M. de Granvelle allait en dépérissant d’une manière sensible. Dans l’été de 1549 il avait quitté la cour pour allerau comté de Bourgogne ; il espérait que l’air natal contribuerait à le rétablir[6]. Quoique souffrant encore, il était venu à Augsbourg, où l’empereur jugeait sa présence nécessaire, surtout pour l’affaire de la succession à l’Empire[7]; il y était arrivé accablé de fatigue. C’était d’hydropisie qu’il était atteint, et ce voyage avait augmenté son mal[8]. Vers le milieu d’août on n’avait plus d’espoir de le conserver ; il rendit le dernier soupir le 27 de ce mois dans sa soixante-sixième année[9]. Charles-Quint faisait en lui une perte considérable. Granvelle, selon

  1. Dépêche des ambassadeurs Morosini et Badoer, du 13 août 1550 (Registre cité, fol. 21.)
  2. Le P. Barre, t. VIII, p. 818.
  3. Dépêche des ambassadeurs Morosini et Badoer du 21 août 1550. (Reg. cité, fol. 23 v°.) — Journal de Vandenesse.
  4. « Ogn’ uno qui si meraviglia che l’elettor Mauritio habbi havuto animo di contravenir al desiderio di Sua Maestá Cesarea, mostrandosi molto inclinato a lei ; et discorrendosi sopra la causa, non si sa trovar altro, salvo che con questo mezzo s’habbi voluto acquistar li animi di populi lutherani, et massime di quelli di Sassonia suoi sudditi, chi non li sono troppo affitionati, anzi l’odiano… ». (Dépêche citée à la note précédente.)
  5. Il répondit au nonce Pighino, qui lui en parlait, que cela n’importait pas, et qu’il espérait que l’électeur reviendrait là-dessus. (Dépêche de Morosini et Badoer du 16 septembre, dans le registre cité, fol. 32 v°.)
  6. Papiers d’Etat de Granvelle, t. III, p. 576.
  7. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie, du 31 août. (Arch. du royaume.)
  8. L’ambassadeur Marillac écrivait au connétable de Montmorency, le 15 juillet, que M. de Granvelle était en termes d’aller bientôt voir ce que l’on faisait en l’autre monde : qu’il avait le visage fort amaigri, la parole affaiblie, l’haleine accourcie ; qu’il était devenu gros et enflé par le ventre et les jambes, etc. (Bibl. nat. à Paris, manuscrit cité, fol. 8.)
  9. Dans la Notice préliminaire des Papiers d’Etat de Granvelle (p. iv), la mort de Nicolas Perrenot est indiquée au 28 août. L’évêque d’Arras, son fils, dans la lettre du 31 à la reine Marie que nous citons plus haut, dit positivement qu’il est mort le 27, entre six et sept heures du soir. Les ambassadeurs vénitiens Morosini et Badoer, écrivant le même jour, 27, au doge, lui disent : Serivendo questo, hora monsignor illustrissimo di Granvella ha messo fine alli maneggi et negotii, havendo resa l’anima à Dio. (Reg. cité, fol. 26.)
       D’après l’auteur de la même Notice, Granvelle avait soixante-quatre ans, étant né en 1486. L’âge que nous lui assignons est celui que donnait à son père l’évêque d’Arras, parlant aux ambassadeurs Morosini et Badoer. Ces diplomates mandent au doge, le 7 juillet, que M. de Granvelle haveva due indispositioni, la prima naturate della vechiezza, rhe già era su li 66 anni, l’altra innaturate, ch' era uiia indispositione del fegato; et ces renseignements, ils les tenaient de l’évêque même. (Reg. cité, fol. 2)
       Marillac, dans sa lettre du 15 juillet au connétable, donnait à Granvelle soixante-huit ans.
       Citons encore, de la Notice préliminaire, pour en signaler l’invraisemblance, ces paroles que Charles-Quint aurait écrites au prince Philippe, à la nouvelle de la mort de son premier ministre : « Mon fils, nous avons perdu, vous et moi, un bon lit de repos. » Philippe étant dans ce moment-là auprès de l’empereur, il serait assez singulier, on en conviendra, que son père, pour lui exprimer ses sentiments, eût employé la voie épistolaire.