y assistèrent[1]. Le corps du défunt fut porté à Besançon, pour y être inhumé. Charles-Quint donna à l’évêque d’Arras les charges qu’occupait son père; l’ayant appelé, il lui dit avec bonté :' « J’ai plus perdu que vous, car j’ai perdu un ami tel que je n’en trouverai plus de semblable; vous, si vous avez perdu un père, je vous reste pour vous en tenir lieu[2] ».
Le 10 septembre la reine Marie arriva à Augsbourg. Le but de son vovage avait été tenu secret, même au roi Ferdinand; elle avait publié que d’importantes affaires concernant les Pays-Bas en étaient le motif. A la vérité il y en avait une, dans ce moment-là, qui donnait beaucoup de soucis à la régente et à son conseil. Les dispositions de l’édit impérial du 29 avril contre le luthéranisme où il était parlé des inquisiteurs, la défense de loger ou recevoir chez soi des personnes suspectes d’hérésie, l’injonction d’exiger de celles qui venaient résider aux Pays-Bas un certificat du curé de l’endroit où elles avaient demeuré en dernier lien, avaient causé une profonde émotion à Anvers. Cet édit y était envisagé comme devant entraîner la ruine ou tout au moins la décadence du commerce; déjà plusieurs marchands étrangers qui y étaient établis, effrayés de l’idée qu’ils pourraient se voir attraits devant les inquisiteurs, annonçaient l’intention de retourner dans leur pays. En vain Marie avait répondu aux remontrances du magistrat que l’intention de l’empereur n’était d’introduire en aucune façon aux Pays-Bas l’inquisition d’Espagne; qu’il s’agissait uniquement de l’inquisition telle qu’elle existait dans ces provinces depuis plus de vingt années; que la disposition relative aux certificats de curé à produire par les personnes qui voudraient s’y établir ne devait pas s’entendre à la rigueur[3] : les esprits ne s’étaient tranquillisés que sur l’assurance, donnée par la reine, qu’elle allait trouver l’empereur surtout pour solliciter de lui des modifications à l’édit du 29 avril.
Durant le temps qu’elle passa à Augsbourg, Marie eut de fréquents et de longs entretiens avec Ferdinand. Sur les raisons qu’elle allégua pour faire condescendre son frère aux désirs de l’empereur, sur les propositions qu’elle lui fit afin de l’y déterminer, comme sur les réponses du roi, les documents nous font défaut. Nous avons bien les correspondances des ambassadeurs de France et de Venise, où nous trouvons les échos des rumeurs de la cour et des cercles diplomatiques; mais nous ne savons jusqu’à quel point ces rumeurs méritent créance : c’est pourquoi nous nous abstenons de les rapporter. Ce qui est certain, c’est que Ferdinand ne céda point, ne voulant, en l’absence de son fils, entrer dans aucune négociation qui pût avoir pour résultat de porter atteinte à ses droits éventuels[4]. L’empereur alors résolut de faire revenir d’Espagne le roi de Bohême[5]. Marie repartit d’Augsbourg le 26 septembre. Charles avait, la veille, signé une ordonnance par laquelle était modifiée celle du 29 avril dans les points qui avaient soulevé le plus de réclamations de la part de la ville d’Anvers[6]. Le 27 il donna
- ↑ Lettre de Marillac au connétable du 2 septembre, dans Ribier, t. II, p. 283. — Dépêche de Morosini et Badoir, du 5 septembre. (Reg. cité, fol. 27 v°.)
- ↑ « Il reverendissimo d’Aras è stato lungamente con Sua Maestà, la quale le disse molte parole afetuose, ... et disse che Sua Maestà haveva fatto più perdita di lui, perché essa haveva perso un amico tale che non ne troveria un altro, ma che se lui haveva perso il padre, che Sua Maestà li restava... » (Dépêche de Morosini et Badoer citée à la note précédente.)
- ↑ Lettre de la reine à l’empereur du 16 août 1550. (Arch. impér. à Vienne.)
- ↑ C’est ce qui résulte d’une lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie, en date du 9 decembre 1550, dont l’original est aux Archives du royaume.
- ↑ Les états de Bohème avaient accepté pour roi l’archiduc Maximilien au mois de février 1549.
- ↑ Dans cette ordonnance, le terme d’inquisiteurs était supprimé partout et remplacé par celui de juges ecclésiastiques; l’article qui défendait de loger ou recevoir en sa maison des personnes suspectes d’hérésie était maintenu, mais avec la restriction suivante : « sans toutefois par ce deffendre aux hostelliers ou aultres de logier ceulx qui viennent en nos pays d’embas pour négocier, marchander ou faire leurs besoingnes ou affaires, moyennant que tels estrangiers ne contreviennent à nostre présente ordonnance et se conduisent sans schandale; » à la disposition qui exigeait un certificat du curé il était ajouté : « quant aux marchans estrangiers et autres qui vouldroient venir en nosdits Pays-Bas, nous n’entendons les assubgectir d’apporter et exhiber ladicte certification, moyennant qu’ils y vivent selon nosdictes ordonnances et se conduisent sans schandale, comme dessus. » (Archives du royaume : Reg. aux ordonnances de 1545 à 1550, fol. 215.)