Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/479

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primé la crainte que les affaires de l’Europe ne souffrissent de son départ, il lui répondit : « Ambassadeur, mon départ est indispensable. Soyez certain d’ailleurs que ce que le roi mon fils ne fera pas pour remédier aux désordres du monde, je ne saurais le faire en restant ici. Le pape, qui est cause de ces désordres, est vieux; il ne vivra pas longtemps. » Et il s’étendit sur l’hypocrisie et la mauvaise nature du souverain pontife en des termes qui émerveillèrent l’envoyé de Côme de Médicis[1]. Il parlait avec beaucoup de peine[2]. Après Ricasoli, ce fut le nonce qu’il reçut; l’ambassadeur de Paul IV n’eut pas à se louer de l’accueil qu’il lui fit[3].

Charles-Quint quitta Gand le 28 août, se dirigeant vers la Zélande; il était accompagné du roi son fils, du duc de Savoie, des principaux personnages des Pays-Bas et des seigneurs espagnols de la suite du roi. Le 30, ayant fait ses adieux à son fils, il s’embarqua au Nieuwaert avec les reines ses sœurs, pour passer en l’île de Walcheren. Trois heures après il descendait à Flessingue, où on lui fit une réception solennelle. Là il trouva un petit mulet sur lequel il monta pour se rendre à Souburg, village situé à trois kilomètres de Flessingue et à quatre de Middelbourg, où il se proposait d’attendre que le vent devînt propice : il y avait dans ce village un assez beau château, appartenant au seigneur de Glajon, Philippe de Stavele, qui avait été mis à sa disposition. Les deux reines demeurèrent à Flessingue[4].

Ce fut à Souburg que Charles signa les dépêches touchant sa renonciation à l’empire. Il nomma ses ambassadeurs auprès des électeurs et de la diète le prince d’Orange, le vice-chancelier Seldt, le secrétaire Wolfgang Haller, et dicta pour eux des instructions conçues dans le sens de ce qu’il avait déclaré, à Bruxelles, au roi de Bohême. En attendant que ces ambassadeurs eussent accompli leur mission, l’Allemagne ne pouvait rester sans chef : il écrivit aux princes et aux états de la Germanie qu’il avait investi son frère, comme son futur successeur, en sa qualité de roi légitimement élu des Romains, du pouvoir absolu et irrévocable de traiter, négocier et commander en toutes choses qu’il trouverait être requises et nécessaires à la grandeur, prospérité et augmentation de l’Empire, leur ordonnant, en vertu de son autorité impériale et sous peine d’encourir son indignation, de révérer, respecter et honorer ledit roi des Romains ainsi qu’ils feraient sa propre personne. Il avait, quelques jours auparavant, transmis une injonction semblable à la chambre impériale de Spire. Il donna avis de toutes ces dispositions à son frère, et lui envoya copie des instructions qu’il laissait à ses ambassadeurs. À cette occasion, il crut devoir lui manifester encore ses sentiments : « Je me suis très-volontiers — lui écrivit-il — condescendu à votre désir, sous l’espoir et confiance que, nonobstant les mandements et lettres adressés aux princes de l’Empire, vous regarderez de décharger ma conscience de tous scrupules, puisque, par le discours de la négociation passée jusques à ores, vous avez pu connaître quels ils sont, et que, pour m’en mettre hors, vous userez de toute diligence requise pour accorder avec les électeurs du lieu et du temps auquel ils se devront trouver personnellement avec vous... » Il fit délivrer à Philippe II les insignes impériaux dont un de ses officiers avait eu jusqu’alors la garde, afin que les ambas-

  1. « ..... Ambasciatore, la mia partita non si può scusare; et potete esser certo che quel che non farà el re, mio figliuolo par remediare alli disordini del mondo, non faró io, co’ l star di qua; et sendo el papa vecchio, che è causa di questi disordini, non può viver molto. » Et se distesse su la ipocrisia et mala natura di S. S. di più di quello che io potessi dire, lassandomi maravigliato che cosi largamente si lassasse intendere da me..... » (Dépêche de Ricasoli du 29 août 1556, aux Archives de Florence.)
  2. (2) « S. M. C. durava extrema fatica a parlare », écrit Ricasoli dans sa dépêche du 29 août.
  3. Le nonce — écrit encore Ricasoli — « stette un pochetto et usci tutto infocato; et andandosene insieme, lo trovai tutto alterato. »
  4. Discours de l’embarquement et départie de l’empereur Charles d’Austriche, etc., par Jean de la Roche, parisien. (Bibliothèque nationale à Paris, Ms. Harlay, 23819.)