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VOYAGE D′UNE FEMME AUX MONTAGNES ROCHEUSES

ment s’arrêter, bien que leurs cavaliers, moi excepté, eussent mis pied à terre. L’obscurité de la vieille forêt, épaisse et silencieuse, m’inspirait de la terreur. Ce soir-là, on n’entendait aucun bruit, si ce n’est le craquement des branches agitées par un vent léger, le bois mort qui se brisait et le murmure des pins semblable à celui d’une chute d’eau rapprochée. Tout se réunissait pour produire une impression mystérieuse et une tristesse voisine de la douleur. La hache du bûcheron n’a jamais résonné ici. Les arbres meurent lorsqu’ils ont atteint leur croissance et restent là, dépouillés, jusqu’à ce que les renversent les vents impétueux de la montagne. À mesure que nous montions, les pins devenaient plus petits, plus rares, et les derniers avaient un aspect torturé. Nous avions passé la ligne boisée, et cependant, un peu plus haut, une pente d’herbe de montagne s’inclinait au sud-ouest, vers une rivière brillante coulant sous la neige et les glaçons. Là, un bouquet de beaux sapins argentés indiquait la place où nous allions camper. C’étaient des miniatures d’arbres, mais posés d’une façon si délicieuse, qu’on pouvait bien se demander quel artiste les avait plantés, les éparpillant à un endroit, les groupant à un autre, en élevant vers le ciel leurs aiguilles légères. Plus tard, lorsque j’évoquerai des souvenirs de splendeur, surgira la vue de ce campement.

Les gorges s’ouvraient à l’est, vers les plaines lointaines qui devenaient d’un pourpre pâle, Les montagnes aux flancs de pins s’élevaient par chaînes ou solitaires et dressaient leurs sommets gris, tandis que tout près, en arrière, mais à 3 000 pieds au-dessus de