Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
VOYAGE D ′UNE FEMME

nous, planait le sommet blanc et dénudé du pic de Long, dont les précipices immenses étaient rougis par la lueur d’un soleil qui, depuis longtemps, avait disparu à nos yeux. Près de nous, dans les flancs caverneux du pic, une neige qui, à cette hauteur, est éternelle. Les dernières lueurs du crépuscule se montrèrent bientôt ; avant qu’elles eussent disparu, un grand quartier de lune suspendu dans les cieux brillait à travers le feuillage bleu argenté des pins, sur l’arrière-plan glacial des neiges. C’était un paysage féerique.

Après avoir dessellé les chevaux et les avoir attachés à l’abri, fait des lits de jeunes branches de pin, traîné des troncs d’arbres pour notre combustible, nous étions tous réchauffés. Jim fit un grand feu, et nous ne tardâmes pas à nous asseoir tous autour, pour souper. Il importait peu de boire notre thé dans les pots cassé employés à le faire et de manger nos morceaux de bœuf tout enfumés, sans assiettes et sans fourchettes

On m’avait dit : « Traitez Jim en gentleman, et vous le trouverez tel ! » Or, quoique ses manières fussent plus hardies et plus libres que celles des gentlemen en général, on n’aurait pu y trouver rien à redire. Il était très-agréable, aussi bien comme homme instruit que comme enfant de la nature. Le desperado avait entièrement disparu. Il était très-courtois et même bon pour moi, ce qui était heureux, car les jeunes gens n’avaient pas même l’idée de me témoigner la politesse la plus ordinaire. Cette nuit-là, je fis la connaissance de son chien Ring, qu’on dit être le meilleur chien de chasse du Colorado. Il a le corps et Les pattes d’un chien de berger, mais la tête approche de celle du mâtin ; tête