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VOYAGE D′UNE FEMME

cabin, tandis que les grandes ombres des montagnes s’allongeaient sur le sol, que les couleurs et les formes prenaient des significations nouvelles, je me suis sentie presque infidèle à Hawaï. Le lever du soleil était si admirable, que je ne pus continuer à écrire. Je sortis et m’assis sur une pierre, pour voir le bleu devenir plus profond dans les canyons sombres, les pins s’éclairer de rose un à un, s’effacer dans une pâleur soudaine, et les hauteurs effrayantes du pic de Long pâlir les dernières. Puis, à leur tour, éclateront les splendeurs du crépuscule. Les teintes orange et citron de l’orient deviennent grises, et, par degrés, ce gris brillera d’un bleu froid, un peu au-dessus de l’horizon, tandis qu’après lui s’étale un large ruban d’un rouge chaud et superbe, plus haut encore, une bande d’une couleur rosée. Une grande lune froide domine le tout. Tel est le miracle quotidien du soir, comme les pics flamboyants dans le sombre miroir du lac sont le miracle du matin. Cette mise en scène n’est pas charmante, peut-être, mais, de même que les caractères forts et impétueux, elle exerce une fascination intense.

Voici comment est réglée ma journée : je déjeune à sept heures, je reviens faire ma cabin, puis je vais puiser de l’eau au lac. Après un peu de lecture et de flânerie, je retourne à la grande cabin, que Mrs Dewy et moi balayons chacune à notre tour. Après quoi, elle lit à haute voix jusqu’à midi, heure du dîner. Je monte à cheval avec M. Dewy, ou toute seule, ou avec Mrs Dewy, qui apprend à monter comme un cavalier, afin d’accompagner son mari qui est souffrant ; ou bien je m’occupe du bétail jusqu’au souper.