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AUX MONTAGNES ROCHEUSES.

couches luxueuses. Le train s’était arrêté dans une rue, si l’on peut appeler rue un grand espace vide coupé par des rails, avec çà et là une souche d’arbre, de grandes piles de troncs sciés, grossis par le clair de lune et une quantité de planches ; des maisons au toit raide, ayant, pour la plupart, leur façade découverte, éblouissante de lumières et encombrée d’hommes. Nous étions arrêtés à la porte d’un méchant hôtel de « l’Ouest », dont seulement la partie formant le bar-room était en plein air, et celui-ci était rempli de buveurs et de fumeurs ; dans l’espace laissé libre entre l’hôtel et les wagons, se remuait une masse de vagabonds et de passants. Sur les voies, des locomotives sonnant de lourdes cloches s’ébranlaient puissamment ; la lueur de leur œil de cyclope pâlissant la lumière d’une forêt qui brûlait sur l’un des flancs de la montagne. Des groupes entouraient de grands feux de sapins flambant joyeusement en plein air. Un orchestre jouait bruyamment, et le son impie du tam-tam résonnait à une petite distance. Les montagnes (les sierras de bien des rêves faits au coin du feu) semblaient entourer la ville, et de grands pins se détachaient avec des contours nets et clairs, sur un ciel où brillaient d’un éclat froid la lune et les étoiles.

À cette grande hauteur, le brouillard était pénétrant ; et quand un nègre irrépressible, qui semblait représenter le personnel de l’hôtel, m’eut déposée, moi et mon sac de voyage, dans une pièce qui répondait au parloir, je fus très-satisfaite de trouver quelques restes de nœuds de pins brûlant encore dans le poêle. Un homme vint me dire que, quand le train serait parti, il essayerait de me