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VOYAGE D’UNE FEMME

est correct d’avoir peur, et à la mode de retenir son haleine et de fermer les yeux ; mais je réservais mes craintes pour le passage d’un pont jeté sur un abîme très-profond, dont on approche par une courbe violente. Ce pont semblait recouvert par les wagons, de manière à produire l’effet qu’on plongeait directement dans un vaste gouffre où grondait un torrent à une immense profondeur.

Frissonnant à l’air glacial près de la passe du sommet des sierras, nous entrons dans les « snow-sheds », galeries de bois qui, pendant près de cinquante milles, nous ont dérobé la vue splendide du pays se déroulant comme un diorama, et ne permettant même pas d’apercevoir le joyau des sierras, le ravissant lac Donner. L’une de ces galeries a 27 milles de long. En quelques heures, le thermomètre était tombé de 103⁰ à 29⁰, et nous nous étions élevés à 6 987 pieds en parcourant 105 milles. Avant d’arriver à Truckee, à onze heures du soir, après un voyage de deux cent cinquante-huit milles, nous avons vu à différentes reprises, après avoir traversé les glaciers, le spectacle grandiose d’une forêt de pins en feu. Truckee, centre de la région boisée des sierras, a la réputation d’une mauvaise ville de montagne ; et M. W… m’avait dit que tous les vauriens du district s’y réunissent ; qu’il y avait tous les soirs des rixes au pistolet dans les bar-rooms, etc. ; mais, comme il admettait qu’une femme pouvait être sûre d’être respectée, et que M. G… m’avait beaucoup conseillé de m’arrêter pour voir les lacs, je suis descendue, très-ahurie, mourant d’envie de dormir et enviant les gens du sleeping-car, inconscients sur leurs