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VOYAGE D′UNE FEMME

tueux. La « Fontaine » est toujours tumultueuse ; elle ne s’arrête point pour se reposer dans des lacs tranquilles, mais se précipite à travers des détroits de rochers ; les pins la surplombent, la recouvrent, la cachent ; elle prend, sous leur teinte bleue, un aspect sévère, gronde dans ses cavernes, ou rit et scintille au soleil. Pendant un mille ou deux, dans un endroit abrité et grâce à une latitude plus méridionale, je rencontre l’éternel pin du Nord avec des arbres d’autres climats : chênes nains, saules, noisetiers, sapins ; le cèdre blanc et le genévrier se disputent un point d’appui précaire, le majestueux bois rouge du Pacifique se réunit au délicieux pin balsamique des pentes de l’Atlantique, et parmi tous, le pâle feuillage d’or du grand tremble frissonne (comme le dit la légende), pris d’un remords sans fin. Les pics dentelés des montagnes étincelantes se dressaient au-dessus des arbres, se détachant en blanc pur sur le bleu ensoleillé. C’est grand, splendide, sublime, mais ce n’est point charmant. Je donnerais tout cela pour la luxuriante surabondance d’un ravin de Hilo, ou pour un jour passé sous ces cieux tendres et rêveurs dont les larmes mêmes sont un baume.

Toujours plus haut ! Le bruit de tonnerre de la « Fontaine », qu’on traverse huit fois, est assourdissant, car le chemin est taillé dans le roc rouge qui la surplombe, et le canyon n’a que 15 à 20 pieds de large. Parfois, le soleil donnait sur la route, et il faisait alors absolument chaud ; puis j’entrais dans des gorges à l’ombre, où la neige était épaisse ; les pins pressés produisaient un sombre crépuscule, et la rivière grondait sous des ponts de glace. La passe s’ou-