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AUX MONTAGNES ROCHEUSES


Bergens Park, 31 octobre.

Cette cabin était si sombre, et j’avais si envie de dormir hier soir, que je n’ai pu écrire ; le froid a été très-rigoureux pendant la nuit, et je suis retenue ici jusqu’à ce que le soleil chaud et brillant fonde la glace et permette de voyager avec sécurité. J’ai quitté le grand Manitou hier à dix heures. Birdie, qui n’était pas attachée dans l’écurie, vint en trottant jusqu’au milieu, me demander du sucre et des biscuits ; son fer, qui n’était plus retenu que par deux clous, me condamnait à aller au pas et à entendre, pendant trois heures, le bruit insupportable d’un fer à cheval défait. Pendant toute cette journée il n’y eut pas un nuage dans le brillant ciel bleu, et, quoiqu’il gelât très-fort à l’ombre, il faisait au soleil une chaleur d’été. Les fontaines minérales, étincelant dans leurs bassins, lançaient leurs jets abondants et continus ; mais les montagnes, couvertes de neige et revêtues de pins, s’assombrissaient au-dessus de la passe d’Ute au moment où j’y entrai pour la gravir pendant 20  milles. C’est une passe étroite, où il n’y a place que pour le torrent et la route charretière taillée dans ses flancs escarpés, à l’aide de la mine. Je voyais tout le temps la Fontaine, plus brillante qu’aucune autre rivière, parce qu’elle coule sur du granit d’un rose rouge, rocailleux ou désagrégé ; c’est vraiment un beau cours d’eau, frayant et forçant sa route à travers les rochers âpres et les franges de glaçons cristallins, sous des arches de glace d’une blancheur d’albâtre. Il fait, d’un son creux, résonner les retraites caverneuses glaciales et sombres, ou jaillit des hauteurs, écumant et impé-