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VOYAGE D′UNE FEMME

planète. Les tons qui les paraient étaient plus éclatants que ceux dont les peintres colorent le désert et les collines enflammées de Moab ; on ne pouvait croire qu’elles fussent pour toujours inhabitées, car, de même qu’en Orient, on se figurait voir sur leurs sommets des forteresses imposantes, non pas les tours grises et crénelées de l’Europe féodale, mais l’architecture sarrasine, massive et gaie, produit du roc indestructible. C’étaient de vastes chaînes, paraissant d’une hauteur énorme ; leur couleur était indescriptible : rouge et foncée à la base des pins, et devenant peu à peu d’une tendresse merveilleuse, jusqu’au moment où les plus hauts sommets flamboyaient soudain, donnant une illusion de transparence qui aurait fait croire qu’ils s’étaient appropriés la teinte du soleil couchant. Au-dessous s’étendaient des ravins de rochers fantastiques percés et creusés par la rivière. Le tout baignait dans une douce lumière surnaturelle, avec la chaude apparence d’un climat brûlant, tandis qu’au nord j’étais dans l’ombre, sur la neige pure et sans tache. Autour de moi, l’obscurité de la terre ; là-bas, la lumière céleste. Ici encore, il ne semblait y avoir pour l’esprit humain d’autre attitude que celle de l’adoration. Je montais et descendais péniblement les collines dans des amas de neige, mettant souvent pied à terre pour soulager ma fidèle Birdie sur les pentes couvertes de glace et m’arrêtant constamment, pour repaître mes yeux de cette splendeur immuable ; je voyais toujours quelque nouveau ravin avec ses profondeurs de couleurs, l’éclat de son rouge merveilleux, ou la fantaisie de ses formes. Puis en bas, dans un canyon pro-