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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

fond où le sentier et la rivière trouvaient à peine leur place, c’était une beauté d’une autre espèce, triste et solennelle. La rivière faisait de merveilleux détours, s’élargissant et se rétrécissant pour former de profonds tourbillons ; ses bords étaient ornés de sapins immenses et de beaux pins argentés qui, souvent, gisaient en travers de la manière la plus artistique. Parfois, elle coulait froide et sombre à travers les arbres, sur la neige glacée ; me retournant tout à coup, je vis derrière moi, comme dans la gloire d’un coucher de soleil éternel, les pics enflammés et fantastiques. L’effet produit par cette combinaison de l’été et de l’hiver était singulier. Le sentier courait au nord, pendant tout son parcours, sous une couche épaisse de neige blanche et pure, tandis qu’au sud, où de nombreuses pelouses s’étalaient au soleil, il n’y en avait point trace. Le pitch pine, avec sa forme monotone et quelque peu rigide, avait disparu ; le pin blanc devenait rare, et tous deux étaient remplacés par les aiguilles légères d’un sapin argenté en miniature. Je dépassai la vallée et le canyon et laissai derrière moi les montagnes flamboyantes ; au-dessus, les hauteurs devenaient farouches et mystérieuses. Je traversai un lac gelé, et me trouvai dans un parc entouré de collines contournées et dénudées, que dominaient des montagnes de neige. Là, parmi les broussailles, je passai sur la glace qui se rompit, une rivière assez profonde ; le froid terrible de l’eau me roidit les membres pour le reste du voyage. Tous ces cours d’eau grossissent à mesure qu’on approche de leur source, et bientôt le