Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
AUX MONTAGNES ROCHEUSES

nyon pour chercher les chevaux. Chaque jour on peut contempler une beauté nouvelle ou un effet de neige et de lumière. Rien de ce que j’ai vu au Colorado ne peut se comparer à Estes-Park, et maintenant qu’il fait un temps magnifique, que le sommet des montagnes au-dessus des bois de pins est d’un blanc sans tache, le cœur ne peut rien désirer au delà, en fait de beauté et de grandeur. La pureté de cet air, celle de l’eau, et l’absolue sécheresse, donnent la santé ; mais il y a quelque chose de très-solennel et parfois de presque écrasant dans la solitude de l’hiver. Je n’ai rien ressenti de pareil, même alors que je vivais sur les pentes de Hualalai. Quand les hommes vont chasser je ne sais où, ou bien lorsque, la nuit, les tempêtes descendent du pic de Long, que l’air est rempli d’une neige piquante chassée par l’ouragan, et qu’il n’est guère probable que quelqu’un vienne ou que l’on puisse communiquer avec le reste du monde, les prodigieuses chaînes de montagnes qui s’étendent entre nous et les plaines prennent alors, dans mon imagination, les proportions de barrières infranchissables ; les rivières sans pont deviennent plus profondes, et je me demande si toute ma vie doit se passer ici, à laver, à balayer et à faire le pain. Aujourd’hui a été consacré au labeur manuel. Nous n’avons déjeuné qu’à neuf heures et demie ; puis les hommes sont sortis, et je ne me suis pas assise une seule fois avant deux heures. J’ai nettoyé le parloir et la cuisine, balayé un chemin à travers les ordures du couloir ; lavé la vaisselle, fait une fournée de petits pains et quatre livres de biscuits, écuré les pots et les casseroles, fait la lessive et donné