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VOYAGE D′UNE FEMME

fis un repas délicieux, consistant en un bol de crème avec du pain. On me dit que, l’ouragan venant de l’est, le temps serait pire encore dans les plaines, mais que, puisque j’avais une si grande habitude du cheval, je pouvais continuer. Je partis donc à deux heures et demie. Je rencontrai Edwards à une petite distance ; il montait enfin à Estes-Park. Peu après, la tempête de neige commença sérieusement, ou plutôt je pénétrai dans celle qui, depuis plusieurs heures, soufflait à cet endroit. Cependant, j’avais atteint la prairie, je n’étais qu’à huit milles de Longmount et poussai en avant. C’était tout bonnement effrayant. La neige tombait si épaisse, qu’il n’y avait qu’un demi-jour ; un vent d’est furieux, chargé de glaçons durs et menus, me frappait au visage, le faisant littéralement saigner, et, de tous côtés, je ne pouvais voir qu’à une très-courte distance. Les amas de neige avaient souvent une profondeur de deux pieds, et je ne pouvais que de temps à autre jeter un regard à travers le tourbillon, pour m’assurer si j’étais dans le chemin que m’indiquait l’absence, au-dessus de la neige, des tournesols desséchés. Mais en atteignant un lieu sauvage, je perdis ma route et continuai au petit galop, comptant sur la sagacité du pony. Cette fois, elle lui fit défaut, car il me conduisit sur un lac dont la glace se brisa, et nous tombâmes dans l’eau, à cent yards de la terre. Il fut affreusement difficile de revenir. Cela devint pire encore. Je m’étais enveloppé le visage, mais la neige dure et piquante me frappait les yeux (seule partie exposée), les remplissait de larmes qui gelèrent et me fermèrent subitement les paupières. Vous ne