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AUXMONTAGNES ROCHEUSES

pouvez imaginer ce que c’était ! J’avais enlevé un de mes gants pour m’ouvrir un œil, car la tempête battait contre l’autre avec tant de fureur, que je le laissai geler et tirai dessus le double morceau de flanelle qui me protégeait la figure. C’est à peine si je pouvais tenir ma paupière ouverte en enlevant constamment la glace avec mes doigts engourdis, et pendant ce temps le revers de ma main gela légèrement. C’était vraiment effroyable. Je me disais souvent : « Supposons que j’aille au sud au lieu d’aller à l’est ? Supposons que Birdie faiblisse ? qu’il fasse tout à fait nuit ? » — J’étais assez montagnarde pour secouer ces frayeurs et garder mon courage, mais je savais que beaucoup de malheureux avaient péri dans la prairie par des tempêtes pareilles. Je calculai que si, dans une demi-heure, je n’avais pas atteint Longmount, il ferait complétement nuit, et que je serais si gelée ou paralysée par le froid, que je finirais par tomber. Moins d’un quart d’heure après m’être demandé combien de temps je pouvais tenir encore, je vis près de moi, à ma grande surprise, à demi-cachées dans la neige, les maisons éparses et les lumières bénies de Longmount ; sa grande route silencieuse, triste et sans vie, était la bienvenue. Lorsque j’arrivai à l’hôtel, j’étais si engourdie que je ne pouvais descendre ; le digne hôte me prit et me porta dans la maison. N’attendant pas de voyageurs, ils n’avaient fait de feu que dans le bar-room, de sorte qu’ils me mirent près du poêle dans leur propre chambre, me firent boire chaud et me donnèrent une quantité de couvertures ; au bout d’une demi-heure, j’étais tout à fait remise et prête à faire un repas féroce. Au moment-