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VOYAGE D′UNE FEMME.

la tristesse des pays plats s’emparait de moi. Le canyon de Saint-Vrain était dans toute sa gloire de couleur, mais le passage de cette brillante rivière, gelée partout, à l’exception d’une brèche fâcheuse de deux pieds, au milieu, fut remarquablement difficile. M. Nugent faisait passer les chevaux effrayés, tandis que moi, qui avais traversé plus bas sur des troncs d’arbres, je les attrapais de l’autre côté, au moment où ils se précipitaient sur le rivage, tremblants de peur. Nous avons alors pris pied sur la vaste étendue des plaines étincelantes, et un coup de vent soudain rendit le froid si intolérable que je fus obligée d’entrer dans une maison pour me réchauffer. C’est la dernière que nous ayons rencontrée avant d’arriver le soir à notre destination. Je n’avais jamais vu la chaîne de montagnes aussi belle. Elle s’élevait avec toutes les nuances d’un bleu transparent, tandis que le sublime pic de Long et l’imposant sommet du Storm-Peak ne faisaient ressortir sur le ciel qu’une neige sans tache. Les pics brillaient d’une vive lumière ; les canyons s’enfonçaient dans les profondeurs d’une ombre pourprée, et cent milles plus loin le pic de Pike dressait sa masse bleue. Dans cette soirée splendide, un voile d’un bleu spiritualisé recouvrait, sans les obscurcir, les contours des montagnes, les faisant ressembler à celles des rêves du « pays très-lointain » ! Jusqu’au coucher du soleil, leurs arêtes demeurèrent dans des splendeurs d’opale et de violet vif, tandis que, jusqu’à une grande hauteur, le crépuscule répandait sa lumière d’un rose foncé et d’un orangé pur sur l’horizon tout entier. Nous traversions la solitude ensoleillée comme dans un