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VOYAGE D′UNE FEMME

voudrait lui parler comme moi ; aussi, pour la dernière fois, insistai-je sur la nécessité d’un changement d’existence, en commençant par renoncer au whisky ; j’allai jusqu’à lui dire que je trouvais méprisable, qu’un homme d’une intelligence telle que la sienne fut l’esclave d’un tel vice. « Trop tard, il est trop tard pour un changement pareil, répétait-il toujours ; oui, trop tard ! » Il versa quelques larmes. « Cela aurait pu être jadis, me dit-il ; oui, aurait pu. »

Il ne manque de bon sens que pour lui-même ; à l’exception d’une seule fois, je lui ai toujours vu une douceur, une convenance et une prévenance de manières remarquables chez tout homme, mais surtout chez celui qui ne fréquente que les grossiers habitants de l’Ouest. En le regardant, je ressentais pour lui une pitié que jamais auparavant je n’avais éprouvée pour un être humain. Je songeai alors : « Notre Père qui est dans les cieux, qui n’a point épargné son propre fils, mais l’a livré pour nous, ne sera-t-il pas encore plus miséricordieux ? » À ce moment, le désir de regagner l’estime de soi-même, de meilleures aspirations et aussi l’espérance pénétrèrent dans son âme ; il me dit soudain qu’il était décidé à renoncer au whisky et à sa réputation de desperado… Mais il est trop tard !

La danse se termina un peu avant minuit, et je me rendis dans la petite chambre encombrée, où il ne pouvait tenir qu’une personne à la fois. Je dormis profondément et rêvai des quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’avaient pas besoin de repentir. L’hôtesse était dans l’enthousiasme de son « hôte distingué ». ― « Jim, cet