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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

selle deux épaisses couvertures de coton capitonnées, ce qui la rendait haute, large et inconfortable. Tout être humain aurait ri en voyant partir une expédition si grotesquement et si mal pourvue, J’avais un très-vieux cheval gris de fer, dont la lèvre inférieure pendait faiblement, laissant voir ses dents rares : il projetait ses jambes en avant, et du pus coulait de ses yeux presque aveugles. C’est de la bonté de l’avoir conduit à un pâturage abondant. Ma selle est une vieille selle de cavalerie de Mc. Lellan, à pointe de cuivre brisée ; un des côtés de la bride est une lanière de cuir pourri et l’autre un bout de corde. Les courtes-pointes de coton couvraient la rossinante de la crinière à la queue. Mrs Chalmers avait un vieux jupon d’indienne, une vieille robe courte, un tablier d’indienne aussi, et son grand chapeau, dont le bord lui tombait jusqu’à la taille ; elle était aussi propre et avait l’air aussi usé et soucieux que d’habitude. La fourche intérieure de sa selle était brisée ; à la fourche extérieure étaient suspendus une casserole et un paquet de hardes. L’unique sangle était sur le point de se rompre au moment où nous nous mettions en route.

Mon paquet et mon parapluie étaient placés derrière ma selle. Je portais mon costume hawaïen, un mouchoir attaché sur le visage, et j’avais plié et mis sur mon chapeau l’enveloppe qui fait de mon parapluie une ombrelle, car le soleil était très-ardent. La tournure la plus bizarre était celle du soi-disant guide. Avec son œil unique, sa taille maigre et efflanquée, ses habits déchirés, il avait beaucoup plus l’air d’un chaudronnier ambulant que de l’honnête et digne