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VOYAGE D'UNE FEMME

Thompson ». Nous savions qu’il fallait la passer à gué. Cette recherche devenait de plus en plus fatigante ; le pic de Long se dressait toujours devant nous, montrant le chemin dans une gloire de pourpre, et, toujours à ses pieds, un creux rempli d’une atmosphère d’un bleu profond, où je savais que devait être Estes-Park. Entre nous et lui les milles d’inaccessibilité ne diminuaient pas. Chalmers, qui était parti confiant, présomptueux, bruyant, se troublait de plus en plus, tandis que la voix grêle de sa femme était plus irritée. Mon cheval trébuchait à chaque instant ; son pas devenait encore plus incertain, et moi plus déterminée (je le suis encore maintenant) à atteindre, d’une façon ou d’une autre, le creux d’Azur et même à m’arrêter sur le pic de Long, là où brillait la neige. Les choses prenaient une tournure sérieuse. L’incompétence de Chalmers était la source de réels dangers, lorsque, après être parti en exploration, il revint plus présomptueux que jamais, disant qu’il savait que tout irait bien. Il avait trouvé un chemin ; nous pourrions traverser la rivière dans l’obscurité et camper pendant la nuit. Il nous conduisit donc dans un ravin sauvage, profond et escarpé, où il nous fallut descendre de cheval, car partout des arbres gisant à terre le traversaient, et il n’y avait presque pas de point d’appui sur les grandes plaques des rochers en pente. — Il y avait cependant un sentier assez bien tracé, et près du sol les branches et les broussailles étaient rompues. Ah ! c’était un lieu sauvage. Mon cheval s’abattit le premier, roula deux fois, cassant une partie de la selle, et en me heurtant il me fit tomber sur un rocher en pente. Puis, le cheval de