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VOYAGE D′UNE FEMME

de l’impétueuse Thompson, ayant pour sentinelles des montagnes d’une forme fantastique et d’une taille monstrueuse ; au-dessus se dresse le pic de Long dans sa grandeur inaccessible, tandis que la Snowy Range, avec ses contre-forts lointains couverts de bois épais, descend vers le parc, déchiquetée par d’étonnants canyons noyés dans des profondeurs de pourpre. La rivière impétueuse était d’un rouge de sang ; le pic de Long tout enflammé ; la terre réfléchissait la splendeur du ciel embrasé. Je n’ai jamais rencontré rien de pareil à cette vue d’Estes-Park. Les montagnes du « pays lointain », maintenant bien rapprochées, sont de près plus belles encore que de loin ; la réalité dépasse le rêve. Saisie de la fièvre des montagnes, j’encourageai de la voix mon cheval fatigué ; il partit au grand galop et parcourut un mille sur une herbe très-douce, avec une allure endiablée, Mais j’avais faim, l’air était froid, et je me demandais quelles pouvaient être les perspectives d’abri et de nourriture dans ce pays enchanté, quand nous arrivâmes soudain à un petit lac, près duquel était une log-cabin à toit plat, en très-bon état, entourée quatre autres plus petites. À côté et pittoresquement posés, deux corrals, un grand hangar devant lequel on tuait un jeune bœuf, une laiterie à roue hydraulique, des meules de foin et différents indices d’un bien-être évident. Deux hommes montés sur des chevaux de travail ramenaient les vaches pour les traire. Un petit homme d’aspect agréable courut vers moi et, à mon grand étonnement, me serra joyeusement les mains. Il m’a avoué depuis que, à cette heure du soir, il croyait que j’étais Mountain Jim habillé en femme. Je reconnus