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VIE ET ŒUVRE

indications que nous avons entre les mains, sont absolument sûres. Il est impossible de mettre ces récits en ordre chronologique.

« Quand nous vivions encore à Moscou, nous raconta Léon Nikolaievitch, nous avions une paire de chevaux noirs très fringants, de notre propre haras. Le cocher de mon père s’appelait Mitka Kopilov. C’était un habile entraîneur, chasseur, excellent cocher et surtout postillon. C’était un postillon inappréciable, car un jeune garçon ne peut maîtriser des chevaux fougueux, un homme âgé est trop lourd et marque moins bien en postillon, de sorte que Mitka réunissait les nombreuses qualités nécessaires pour être un postillon : petite taille, légèreté, force, adresse. Je me souviens qu’une fois on avait avancé le phaéton pour mon père, les chevaux, soudain, s’emballèrent. De la cour quelqu’un cria : « Les chevaux du comte se sont emballés ! » Pachenka se trouva mal ; les tantes se précipitèrent près de la grand-mère pour la tranquilliser. Mais il résultait que père n’était pas encore monté en voiture, et Mitka, maîtrisant habilement les chevaux, les ramena bientôt dans la cour.

« Ce même Mitka, quand on réduisit le train de la maison, fut mis en redevance. Les riches marchands, à l’envi, l’invitaient chez eux et lui proposaient de forts gages, car Mitka portait la blouse de soie et la culotte de velours. Mais il advint que son frère dut partir au régiment, leur père était déjà vieux, il le fit venir près de lui pour travailler,