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LÉON TOLSTOÏ

nous garnissions nos tables comme les grandes personnes, et on nous prêtait et nous donnait pour cela divers bibelots. Mitia n’avait rien du tout. Des objets ayant appartenu à père, il n’avait pris que les minerais. Il les avait classés avec des étiquettes et les avait rangés dans une caisse vitrée. Comme nous, ainsi que tante, regardions Mitia avec un certain mépris, à cause de ses goûts et de ses amitiés vulgaires, nos amis se permettaient de le regarder de la même façon. L’un d’eux, un garçon très borné, l’ingénieur Es. (notre ami moins par notre choix que parce qu’il s’était cramponné à nous), une fois, en traversant la chambre de Mitenka, remarqua les minerais et lui demanda ce que c’était. Es. n’était pas sympathique ; il était faux. Mitia, répondit peu volontiers. Es. poussa la caisse et la secoua. Mitia lui intima de la laisser. Es. n’en fit rien et le plaisanta. Il me semble qu’il l’appela Noé. Mitia, devenu furieux, appliqua sa large main sur le visage d’Es. Celui-ci prit la fuite, Mitia le poursuivit. Dès qu’Es. fut dans notre chambre nous fermâmes la porte. Mitenka nous déclara qu’il lui casserait les os dès qu’il sortirait. Sérioja et je crois aussi Schouvalov allèrent exhorter Mitia de laisser passer Es. Mais il saisit un balai et jura de le battre. Je ne sais ce qui se serait passé si Es. avait traversé sa chambre. Il nous demanda de le faire sortir d’une façon quelconque et nous l’avons fait fuir quelque part, par le grenier plein de poussière. Tel était Mitia dans ses moments