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VIE ET ŒUVRE

la situation plus que miséreuse des paysans, et c’est un mal tel qu’on n’y peut remédier que par le travail et la persévérance. Si seulement vous pouviez voir deux de mes paysans, David et Ivan, et la vie qu’ils mènent eux et leurs familles, je suis persuadé que la vue seule de ces deux malheureux vous convaincrait plus que tout ce que je puis vous dire pour vous expliquer ma décision. N’est-ce pas mon devoir strict, sacré, de me vouer au bonheur de ces sept cents âmes dont j’aurai à rendre compte à Dieu ? N’est-ce pas un péché de les laisser la proie de gérants et d’intendants grossiers, pour mes plaisirs ou mes satisfactions d’amour-propre ? Et pourquoi chercherais-je dans un autre milieu des occasions d’être utile et de faire le bien, quand se présente à moi un devoir si noble, si grand et si proche ! Je me sens capable d’être un bon maître et pour l’être comme je comprends ce mot, il ne faut ni diplôme de l’Université, ni les titres que vous ambitionnez pour moi. Chère tante, ne formez pas pour moi des projets ambitieux, habituez-vous à la pensée que j’ai pris une route tout à fait spéciale, qui est bonne, et qui, je le sens, me mène au bonheur. J’ai réfléchi beaucoup et beaucoup à mes devoirs futurs, j’ai écrit une règle de conduite, et si Dieu m’en donne la force, je réussirai dans mon entreprise[1]. »

Si Léon Nikolaievitch n’a pas écrit réellement

  1. Œuvres complètes du comte L.-N. Tolstoï. Stock, éditeur, tome ii, la Matinée d’un seigneur, page 295.