Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
LÉON TOLSTOÏ

« Son père est un homme assez riche, mais qui a son argent enterré et ne donne pas le sou à son fils. Le fils, pour avoir de l’argent, va voler chez l’ennemi des chevaux, des vaches ; quelquefois il expose vingt fois sa vie, pour voler une chose qui ne vaut pas dix roubles ; mais ce n’est pas par cupidité qu’il le fait, mais par genre. Le plus grand voleur est très estimé et on l’appelle djiguite (ou brave). Tantôt Sado a mille roubles, tantôt pas le sou. Après une visite chez lui, je lui ai fait cadeau de la montre d’argent de Nicolas et nous sommes les plus grands amis du monde. Plusieurs fois il m’a prouvé son dévouement en s’exposant à des dangers pour moi, mais pour lui ceci ce n’est rien, c’est devenu une habitude et un plaisir.

« Quand je suis parti de Starï-Iourt et que Nicolas y était resté, Sado venait chez lui tous les jours et disait qu’il s’ennuyait terriblement. Par une lettre je faisais connaître à Nicolas que mon cheval était malade, je le priais de m’en trouver un à Starï-Iourt. Sado ayant appris cela n’eut rien de plus pressé que de venir chez moi et de me donner son cheval, malgré tout ce que j’ai pu faire pour le refuser.

« Après la bêtise que j’ai faite de jouer à Starï-Iourt je n’ai plus repris les cartes en main, et je faisais continuellement la morale à Sado, qui a la passion du jeu, et quoiqu’il ne connaisse pas le jeu, a toujours un bonheur étonnant. Hier soir, je me suis occupé à penser à mes affaires pécuniaires, à