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VIE ET ŒUVRE

ses de grand-mère avec sa fille, avec son chat, et, en général, envers toutes les personnes avec qui elle pouvait être exigeante.

« Mes souvenirs les plus lointains sur ma grand-mère, avant notre voyage à Moscou et notre installation dans cette ville, se réduisent à trois fortes impressions liées à elle. La première, c’est que grand-mère se lavait avec un savon particulier et faisait entre ses mains d’admirables bulles, qu’elle seule, me semblait-il, pouvait faire. On nous amenait chez elle exprès, probablement notre admiration devant ces bulles de savon l’amusait, quand elle se lavait. Je me rappelle sa camisole blanche, son jupon, ses mains blanches de vieille et les grosses bulles qui se formaient entre ses doigts, et son visage blanc, content, souriant.

« La deuxième impression, c’est celle des valets de pied de mon père le ramenant, sans cheval, sous le bras, dans le cabriolet jaune à ressorts dans lequel nous allions nous promener avec notre précepteur Féodor Ivanitch, dans le petit bois, pour cueillir des noisettes qui, cette année-là, étaient particulièrement abondantes. Je me rappelle le bosquet de noisetiers au milieu duquel Pétroucha et Mitioucha (les valets), en écartant et brisant les branches, introduisaient le cabriolet jaune ; comment ils inclinaient vers notre grand-mère les branches portant des bouquets de noisettes mûres, et comment grand-mère les cueillait elle-même, les mettait dans un sac, et nous, nous tirions les branches de l’au-