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VIE ET ŒUVRE

moi de vous dire que la justesse de votre opinion, exposée si habilement, est loin d’écarter les droits temporaires et accidentels dans le domaine de la parole. Ce qui est toujours juste, ce qui est toujours beau, ce qui est immuable comme les lois fondamentales de l’âme, cela, sans doute, occupe et doit occuper la première place dans les pensées et les motifs, et alors dans le verbe de l’homme. Cela, et cela seul, se transmet de génération en génération, du peuple au peuple, comme un héritage précieux toujours accru et jamais oublié. Mais à côté de cela, il y a, comme j’ai déjà eu l’honneur de le dire, dans la nature de l’homme et dans celle de la société, l’exigence perpétuelle de se critiquer soi-même. Il y a des moments, et des moments très importants dans l’histoire, quand cette critique reçoit des droits particuliers, indiscutables et paraît dans la voix sociale avec une grande affinité et une grande netteté. L’élément temporaire et accidentel dans la marche historique de la vie du peuple reçoit une importance générale, pan-humaine, par ce fait seul que toutes les générations, tous les peuples peuvent comprendre et comprennent les gémissements maladifs et la confession douloureuse d’une génération ou d’un peuple quelconques.

« Les droits des lettres, qui servent la beauté éternelle, ne détruisent pas le droit de la littérature accusatrice qui accompagne toujours l’imperfection de la société et qui parfois paraît comme une guérisseuse des plaies sociales.