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LÉON TOLSTOÏ

« Il y a une beauté infinie dans la vérité pure et l’harmonie de l’âme, mais il y a une vraie et grande beauté dans le repentir qui rétablit la vérité et pousse l’homme ou la société à la perfection morale. Permettez-moi d’ajouter que je ne puis pas partager l’opinion exclusive, comme il me semble, de l’esthétique allemande. Sans doute, l’art est absolument libre, il trouve en soi sa justification et son but. Mais la liberté de l’art comprise abstraitement ne se rapporte pas à la vie intérieure de l’artiste lui-même. L’artiste n’est pas une théorie, n’est pas un domaine de la pensée et de l’activité cérébrale, c’est un homme. Il est l’homme de son temps, ordinairement son meilleur représentant, tout pénétré de son esprit et de ses aspirations dessinées ou naissantes. Par l’impressionnabilité de son organisme, sans quoi il ne pourrait être artiste, plus que tout autre il s’imprègne des sensations maladives et joyeuses de la société à laquelle il appartient. En se consacrant toujours au vrai et au beau, malgré lui, par la parole, par la tournure de sa pensée et de son imagination, il reflète l’actualité dans son mélange de vérité qui réjouit l’âme pure et de mensonge qui révolte son calme harmonieux. Ainsi apparaissent deux domaines, les deux branches de la littérature dont vous avez parlé. Ainsi l’écrivain, le serviteur de l’art pur, parfois devient accusateur même inconsciemment, sans le vouloir, et même parfois, contre sa volonté. Vous même, comte, je me permettrai de vous citer en