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VIE ET ŒUVRE

vulgaires. D’ailleurs c’est toujours le défaut de Tourgueniev. La jeune fille est tout à fait mauvaise : « Ah ! Je t’aime ! » « Ses cils étaient longs… »

« En général, je suis toujours étonné que lui, Tourgueniev, avec son esprit et son flair poétique, ne sache pas se garder de la banalité, même dans ses moindres procédés. Cette banalité se montre surtout dans les procédés négatifs qui rappellent Gogol. Il n’y a pas d’humanité, pas de sympathie pour la personne : il présente des monstres qu’il injurie, mais ne plaint pas. Cela sonne mal avec le ton et le sens de libéralisme de tout le reste. C’était bien au temps du roi de Thulé et de Gogol (et encore, il faut dire que si l’on ne plaint pas ses personnages les plus minimes, il faut alors les insulter de telle façon que le ciel en ait chaud, ou se moquer d’eux jusqu’à ce que le ventre en éclate) et non comme le fait Tourgueniev, qui est saisi de mélancolie et de dyspepsie. Mais, en général, il faut dire que personne ne serait actuellement capable d’écrire une pareille nouvelle, bien qu’elle ne doive pas avoir de succès.

« L’Orage d’Ostrovsky est selon moi une œuvre très triste, mais qui aura du succès. Ce n’est ni Ostrovsky ni Tourgueniev qui sont coupables, mais l’époque. Maintenant de longtemps ne naîtra pas cet homme qui fera dans le monde poétique ce qu’a fait Boulgarine. Quant aux amateurs de l’antique, desquels je suis, personne ne les empêchera de lire sérieusement des vers et des nouvelles et de les