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VIE ET ŒUVRE

téraire qu’aux années cinquante et ne trouva que les continuateurs de Belinski qui n’avaient pas la force captivante du maître. D’autre part, le milieu dans lequel avait été élevé Tolstoï ne l’avait pas préparé à une intimité avec ces « bourgeois littéraires », comme ils s’appelaient eux-mêmes. Il se rapprocha des hommes plus près de lui par l’éducation et même avec ceux-là il resta toujours renfermé et indépendant, toujours en opposition, naturellement exerçant sur eux une grande influence, et très peu influencé par eux.

On peut encore trouver une cause plus profonde, essentielle, de cette attitude. Il est vrai qu’aux années cinquante Léon Nikolaievitch n’avait certainement pas encore une conception nette du monde, mais l’opinion du Sovremennik ne l’attira jamais.

Enfin de son propre aveu, Léon Nikolaievitch fut toujours influencé davantage par le talent artistique que par le talent de publicisme.

La plus forte influence philosophique qu’il éprouva, encore dans sa jeunesse, fut celle de Rousseau.

En causant de la littérature française avec M. Paul Boyer, professeur à l’École des langues orientales de Paris, qui vint lui faire visite au printemps 1901, Léon Nikolaievitch s’exprima ainsi sur ses deux maîtres, Rousseau et Stendhal :

« On n’a pas rendu justice à Rousseau ; on a méconnu la générosité de sa pensée, on l’a calomnié de toutes manières. J’ai lu tout Rousseau, oui, tous les vingt volumes, y compris le Dictionnaire