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LÉON TOLSTOÏ

de musique. Je faisais mieux que l’admirer, je lui rendais un culte véritable : à quinze ans, je portais au cou son portrait en médaillon comme une image sainte… Telles pages de lui me vont au cœur ; je crois que je les aurais écrites.

« Stendhal ? Je ne veux voir en lui que l’auteur de la Chartreuse de Parme et du Rouge et Noir. Ce sont là deux incomparables chefs-d’œuvre. Et plus que nul autre je suis son obligé ; je lui dois d’avoir compris la guerre. Relisez, dans la Chartreuse de Parme, ce récit de la bataille de Waterloo. Qui donc avant lui avait décrit la guerre comme cela, c’est-à-dire comme elle est réellement ? Vous rappelez-vous Fabrice traversant la bataille sans y comprendre « rien du tout », et comme lestement les hussards le font passer par-dessus la croupe de son cheval, de son beau « cheval de général » ? Plus tard au Caucase, mon frère, officier avant moi, m’a confirmé la vérité de ces descriptions de Stendhal. Il adorait la guerre, mais n’était point de ces naïfs qui croient au Pont d’Arcole. « Tout cela, me disait-il, c’est du panache ! Et il n’y a point de panache à la guerre. » Très peu de temps après, en Crimée, je n’eus qu’à regarder pour voir par mes propres yeux. Mais, je le répète, pour tout ce que je sais de la guerre, mon premier maître c’est Stendhal[1]. »

Citons encore les œuvres littéraires dont certaines se trouvent dans la liste que nous avons déjà

  1. Chez Tolstoï, Paul Boyer. Le Temps, 28 août 1901.