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VIE ET ŒUVRE

« — Je ne puis pas admettre, disait Tolstoï, que ce que vous dites soit votre conviction. Je suis debout, le poignard à la main, devant la porte et je dis : « Tant que je suis vivant nul n’entrera ! » Voilà une conviction. Et vous, vous tâchez de cacher des autres le fond de vos sentiments et vous appelez cela vos convictions.

« — Alors, pourquoi venez-vous parmi nous ? disait Tourgueniev d’une voix que la rage tournait au fausset. Votre drapeau n’est pas ici ! Allez chez la princesse B. »

« — Pourquoi m’indiquer où je dois aller ? Les conversations stériles ne se changeront pas en convictions à cause de ma visite. »

« En me rappelant cette discussion entre Tolstoï et Tourgueniev, la seule dont j’aie été témoin, je suis obligé d’avouer que, puisqu’il s’agissait de politique, à quoi je m’intéressais fort peu, je n’y fis guère attention. Je dirai plus. D’après tout ce que j’ai entendu dire dans notre société, je crois que Tolstoï avait raison ; que si les hommes qui étaient mécontents de la vie d’alors avaient été forcés d’exprimer leur idéal, ils eussent été bien embarrassés de formuler leur désir.

« Qui de nous n’a pas connu, à cette époque, l’aimable causeur et camarade, artiste pour raconter de plaisantes anecdotes, D.-V. Grigorovitch, devenu célèbre par ses nouvelles et ses romans ? Voici ce qu’entre autres il m’a raconté d’une discussion entre Tolstoï et Tourgueniev, encore chez