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LÉON TOLSTOÏ

encore plus précieux, faisaient de grands efforts moraux pour soutenir entre eux des rapports sinon amicaux du moins corrects, des rapports basés sur l’estime réciproque. Et par là ils peuvent servir d’exemple instructif aux générations futures.

Voici encore le récit de Mme Golovatchov Panaiev, témoin des premières rencontres de Tourgueniev avec Tolstoï, récit qui confirme l’idée que nous venons d’exprimer.

« Je dois revenir en arrière et raconter l’apparition du comte L.-N. Tolstoï dans le cercle du Sovremennik. Il était encore officier et le seul collaborateur du Sovremennik qui portât l’uniforme. Son talent littéraire s’était déjà manifesté de telle sorte que tous les coryphées de la littérature devaient le reconnaître pour un des leurs. D’ailleurs, le comte Tolstoï n’était pas un timide ; il avait parfaitement conscience de la force de son talent, aussi se tenait-il avec un certain sans-gêne.

« Je ne rentrais jamais en conversation avec les littérateurs quand ils se réunissaient chez nous ; je me contentais de les écouter en silence et de les observer tous. C’était surtout intéressant de suivre Tourgueniev et L.-N. Tolstoï quand ils se rencontraient ensemble et discutaient, parce que tous deux étaient très intelligents et observateurs. Je n’ai pas entendu l’opinion de Tolstoï sur Tourgueniev et, en général, il n’exprimait pas son opinion sur les personnages littéraires, au moins devant moi. Tourgueniev, au contraire, avait un besoin