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VIE ET ŒUVRE

cette qualité et prenaient sur eux l’assurance de l’utilité qu’ils s’attribuaient.

« Tourgueniev comprenait bien quels étaient les sentiments de Tolstoï à son égard, mais il voulait coûte que coûte faire montre de caractère et garder son sang-froid.

« Il commença à éviter Tolstoï, partit exprès à Moscou et de là dans ses terres. Mais le comte Tolstoï marcha sur ses talons, « comme une femme amoureuse », s’exprimait Tourgueniev en racontant cette histoire[1]. »

De ces diverses indications sur les rapports des deux écrivains, on peut voir qu’un vrai rapprochement moral entre eux ne pouvait pas être. Mais le courant du mouvement émancipateur les portait tous deux dans la même direction et ils se trouvaient compagnons dans le travail commun. De plus tous deux appartenaient à la classe privilégiée, et cela, joint à leur instruction, à la supériorité de leur talent dans le milieu littéraire, malgré eux les rapprochait.

Mais comme le verra le lecteur par le récit suivant, aussitôt qu’ils tâchaient de dépasser ces relations de camaraderie, un choc se produisait qui parfois mettait en danger leurs vies précieuses. Il faut leur rendre cette justice que l’un et l’autre reconnaissaient clairement ce qui les séparait, l’exprimaient devant comme derrière et, ce qui est

  1. Eugène Garchine : Souvenirs sur Tourgueniev, Istoritcheski Viestnik (Messager historique), novembre 1883.