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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/109

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VIE ET ŒUVRE

cet homme menacé d’une condamnation à mort parle avec animation et chaleur), il vous répondra que c’est à cause des exigences fréquentes de son chef de compagnie qui l’obligeait de récrire des papiers auxquels il comprenait beaucoup moins bien que lui-même.

« Ainsi, messieurs les juges, la seule cause de ce crime, puni de mort, c’est que l’accusé trouvait honteux et blessant de récrire par ordre des chefs, qui s’y entendaient moins que lui, les rapports qu’il avait rédigés. À l’instruclion, ni le procès, ni le témoignage naïf de Chibounine n’ont pu révéler aucun autre motif. Eh bien ! pouvons-nous admettre qu’un homme qui, pour cette raison, commet un acte si terrible par sa nature et ses conséquences, jouisse de toutes ses facultés mentales ? Non. Il n’y a qu’un homme psychiquement malade qui puisse par ce seul motif commettre un tel acte. Si l’expertise médicale ne reconnaît pas cette maladie de l’accusé, c’est uniquement parce que la science médicale n’a pas défini cet état d’abrutissement uni à l’excitation produite par l’alcool. A-t-il son bon sens, cet homme qui, attendant son arrêt de mort, ne parle avec volubilité que de son amour-propre de scribe offensé par le chef de la compagnie qui ne sait rien et ordonne de recopier ? A-t-il son bon sens, cet homme qui, sachant écrire et connaissant la loi, écrit contre soi-même cet aveu, par lequel il se condamne à mort ? Car c’est de sa propre main qu’il écrit cet aveu stupide que lui dictait le juge d’instruction et qu’il confirmait de ses « Parfaitement, votre Seigneurie », par lesquels, même maintenant, il est prêt à affirmer tout ce qu’on