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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/161

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VIE ET ŒUVRE

À ce propos, il écrit à son ami Fet, en décembre 1870 :

« J’ai reçu votre lettre il y a une semaine, et je n’y ai pas répondu parce que du matin au soir j’étudie le grec. Je n’écris rien ; je ne fais qu’étudier. À en juger par les renseignements qui me sont venus de Borissov, votre peau que vous proposez comme parchemin, pour mon diplôme de grec, se trouve en danger. C’est incroyable et ne ressemble à rien ! Cependant j’ai étudié Xénophon et le lis maintenant à livre ouvert. Pour Homère, il me faut le dictionnaire et un peu d’attention. J’attends avec impatience l’occasion de montrer à quelqu’un ce tour de force. Mais combien je suis heureux que Dieu m’ait infligé cette folie ; 1o parce qu’elle me donne un grand plaisir, et 2o parce que je me suis convaincu que, de tout ce qui, dans le verbe humain, est vraiment beau, d’une beauté simple, jusqu’à présent, comme tout le monde, je ne savais rien ; 3o parce que je n’écris pas et n’écrirai jamais de sottises. Excusez-moi, je vous jure que je ne le ferai plus ! Au nom de Dieu, expliquez-moi pourquoi personne ne connaît les fables d’Ésope, ni même le délicieux Xénophon, et je ne parle pas de Platon et d’Homère, que je dois encore étudier. Comme j’en puis déjà juger, Homère est déformé dans nos mauvaises traductions, imitées de l’allemand. Voulez-vous une comparaison, vulgaire peut-être, mais qui s’impose : l’eau bouillie et distillée, et l’eau de source qui brise les rochers, qui court, même charriant du sable, mais qui en devient plus pure et plus fraîche. Tous ces Voss et Joukhovski chantent d’une voix quelconque, gutturale, gei-