Aller au contenu

Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
LÉON TOLSTOÏ

tenait pas pour battu et après quelques tentatives, il finissait par l’amener à causer. Son intelligence de psychologue et son cœur lui soufflaient les moyens à employer, et il savait gagner les inconnus par sa sympathie. Au bout de deux jours, il connaissait tous les passagers du bateau, sans exclure les braves matelots, près desquels nous dormions la nuit. »

Plus loin, Bers décrit leur installation :

« À Karalik, on le traita en vieille connaissance. Nous nous installâmes dans une petite tente de feutre louée à un mollah, qui vivait avec sa famille dans une chaumière voisine. Ces demeures sont démontables et facilement transportables. En été, dans la steppe, on y est très à l’aise. Pour la cure du koumiss, il faut, comme les Bachkirs, en faire sa nourriture exclusive avec la viande. Léon Nicolaievitch, naturellement, se soumit à ce régime et sa cure fut efficace[1]. »

Cependant, dès les premiers jours de son arrivée à Samara, Tolstoï ne se sentait pas bien. Il écrit à sa femme :

« 18 juin 1871… Depuis mon arrivée ici, chaque jour, à 6 heures du soir, je suis pris d’une sorte d’angoisse physique ; c’est une sensation que je ne saurais exprimer mieux qu’en disant que l’âme se sépare du corps. Quant à l’angoisse morale, à cause de toi, je ne lui permets pas de paraître. Je ne pense jamais ni à toi ni aux enfants, et je ne me permets pas d’y penser, parce que, si je le faisais, je repartirais sur-le-champ. Je ne comprends rien à mon état : ou je me suis enrhumé dans la kibi-

  1. S. A. Bers, Souvenirs sur Tolstoï, p. 52.