qu’on envisage la fin. Les forces s’en vont et on a besoin de vivre ; on ne désire rien, sauf le calme qu’on n’a pas. Ma femme m’envoie au koumiss, à Samara ou à Saratov, pour deux mois. Je pars aujourd’hui pour Moscou et là je déciderai définitivement où aller. »
À Moscou, Tolstoï se décide pour Samara. Une partie du trajet, jusqu’à Nijni, devait se faire en chemin de fer, et le reste en bateau. Déjà en route, Tolstoï écrit à sa femme : « J’ai voulu parcourir l’exposition, et suis arrivé en retard à la gare. On avait déjà sonné deux fois et le guichet des billets était fermé. La première personne que je rencontre, c’est un monsieur, le visage bouleversé, accompagné d’une dame. Il me crie : — « Voulez-vous un billet ? J’en ai un, mais je dois attendre mes bagages qui ne sont pas là, et mon billet sera perdu. » Je réponds : — « Moi je vais jusqu’à Nijni. » Il me dit : — « Moi aussi ; jusqu’à Nijni. » — « Mais c’est qu’il me faut deux billets », dis-je. — « J’en ai deux », me répond-il. Je lui donnai vingt roubles et m’élançai dans le train au moment où la troisième sonnette donnait le signal du départ. N’est-ce pas un hasard extraordinaire[1] ? »
Tolstoï était, cette fois, accompagné de son beau-frère, Bers, qui relate ainsi le trajet en bateau :
« Sur le bateau, Léon Nicolaievitch s’intéressait aux mœurs des populations riveraines. Il avait à un degré extraordinaire le talent de se lier avec les voyageurs de toutes les classes. Si même il tombait sur un passager bourru et peu sociable, il ne se
- ↑ Archives de la comtesse S. A. Tolstoï.