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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/206

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LÉON TOLSTOÏ

de vue littéraire, mais comme expression des rapports entre la société et Léon Tolstoï et son œuvre.

À ce second grand roman de Tolstoï, la société, comme il fallait s’y attendre, répondit suivant des considérations de classes n’ayant rien de commun ni avec la critique en général, ni avec le roman en particulier. L’aristocratie accueillit avec faveur le roman, parce que ses héros appartenaient à la haute société. Les slavophiles aimèrent le roman qui, selon Tourgueniev, sentait le slavophilisme. Pour cette même raison, les libéraux le couvrirent de boue.

Mais ce qui nuisit surtout au roman, près de la critique sérieuse, ce fut de paraître à de si longs intervalles. Les critiques et le public étaient fatigués. Des articles suivaient la publication de chaque partie du roman. On émettait des suppositions de toutes sortes, la plupart erronées. Les lecteurs et les critiques, parfois, perdaient patience, et ces derniers l’exprimaient de la façon la plus étrange. Ainsi Skabitchevsky soupçonnait Tolstoï d’être de connivence avec l’éditeur du Rousski Viestnik pour faire durer la publication le plus longtemps possible. Néanmoins, l’intérêt provoqué par Anna Karénine était très vif. On dit que les dames de Moscou envoyaient des gens à la typographie de l’université, où s’imprimait le roman, pour apprendre des compositeurs le sort des héros.

Comme pour Guerre et Paix nous ne citerons que les critiques contemporaines du roman. Parmi celles-ci, Soloviev, qui écrivait alors dans le Peterbourgskia Viedemosti, est frappé de la simplicité