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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/222

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LÉON TOLSTOÏ

la douceur unie à la force. Vous n’arrachez pas avec les dents, mais avec des pattes douces et vigoureuses. Je ne connais pas le sujet de votre futur travail, mais le titre me plaît beaucoup, s’il indique seulement le sujet, au sens général. Mais, je vous en prie, que ce ne soit pas un article, mais une œuvre. Abandonnez ce travail déprimant de la presse. Je vous parle par expérience. Vous éprouvez probablement ce que j’ai éprouvé quand je vivais comme vous (dans le brouhaha), ce qui arrive de temps en temps, dans les moments de loisir et de calme, quand autour de nous s’établit peu à peu notre propre atmosphère, et que, dans cette atmosphère, tous les phénomènes de la vie viennent se placer comme ils doivent, quand on a conscience de soi et de toutes ses forces, comme un homme mal à l’aise après le bain. Dans ces moments, on désire véritablement travailler, et l’on est heureux seulement par la conscience de soi, de ses forces et parfois du travail. Vous devez éprouver, ce sentiment comme autrefois je l’éprouvais. Maintenant, c’est mon état normal et ce brouhaha où vous m’avez trouvé ne vient que rarement le troubler. Voilà ce que je vous souhaiterais[1]. »

En venant voir Tolstoï, Strakov avait apporté son livre nouvellement paru : le Monde comme unité, et il le lui laissa à lire. Après cette lecture, Tolstoï écrivit à l’auteur la lettre suivante :

« 12 novembre 1872. Cher et bien estimé Nicolas Nicolaiévitch, durant les quatre jours qui ont suivi votre départ, je me suis occupé de vous : j’ai lu votre

  1. Archives de V. G. Tchertkov.