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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/280

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LÉON TOLSTOÏ

régale. Mais Tolstoï ne peut sucer ce miel. Il voit les souris qui rongent le buisson, le dragon menaçant, et le miel ne lui paraît plus doux. Dans sa peur de la fin, il voulait la hâter. Cependant quelque chose, une force quelconque, l’empêchait de se tuer, et toujours il cherchait la réponse aux questions qui le tourmentaient. Il s’adresse à la science expérimentale, à la science spéculative, mais ni l’une ni l’autre ne lui donne la réponse. Il s’adresse à la sagesse classique, interroge Socrate, Schopenhauer, Salomon, Bouddha, et tous répondent que la vie est un mal et que le mieux est de s’en délivrer. Alors il s’adresse à la vie de ceux qui l’entourent. Comment vivent ces bommes ? Les uns ne se sont pas encore posé la question terrible qui l’angoisse, les autres se refusent à voir le danger et lèchent le miel qui est à leur portée, les troisièmes se suicident ; les quatrièmes, bien que sachant tout, n’ont pas la force d’en finir et traînent leur pesante vie. C’est dans cette catégorie des faibles que se plaçait Tolstoï.

Était-ce bien la faiblesse et la timidité qui empêchaient Tolstoï de mettre fin à ses jours ? Non, s’il ne se tua pas, c’est qu’il sentait en lui « la conscience de la vie », et cette force le sauva. Elle ne lui permettait pas de se tuer et attirait ses regards sur la vie du peuple travailleur. Et quand il examina la vie de ce peuple, il aperçut que c’est la religion qui lui donne un sens. Tolstoï écrit dans ses Confessions :

« Je me retournai donc vers les masses énormes des hommes, qui ont vécu et qui vivent, simples, ignorants, pauvres, et je vis tout autre chose. Je