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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/292

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LÉON TOLSTOÏ

verbe. Sa passion, c’est de parler ; une suffisance extraordinaire. Il m’a été utile en ce que, par lui, on voit de toute évidence l’erreur de baser la religion sur le verbe seul. Hier je ne sais moi-même pourquoi j’ai inscrit sur mon petit carnet une longue note sur la religion[1]. »

Voici cette note du « petit carnet » :

« 1878, 2 juin. L’homme désire et aime tous les biens corporels acquis pour lui seul, et les biens moraux acquis pour les autres, afin qu’on le loue. L’homme doit rejeter tous les biens corporels, les laisser aux autres, et n’acquérir les biens moraux que pour lui seul.

« On ne peut avoir affaire à Dieu, en y mêlant un intermédiaire et un spectateur. Ce n’est que seul à seul que commencent les vraies relations. Ce n’est que quand nul autre te voit et t’écoute que Dieu t’entend.

« Ce ne sont pas les preuves, mais l’explication de la forme de ma religion : 1o Si je ne suis pas satisfait, et, principalement, si je ne suis pas entraîné par l’étude du particulier, mais désire savoir, apprendre, comprendre au moins quelque chose complètement, je vois que je ne puis rien savoir, que mon esprit pour la vie temporaire, l’instrument de la vraie connaissance, n’est que le jouet de la tromperie (Pascal). Si je tâche de m’expliquer mes sentiments, je vois que la raison n’essaie même pas de me tromper (Strakov). Si j’essaye de généraliser et d’indiquer les passages où pour moi se découvrent mon ignorance et l’impossibilité de savoir, je trouve

  1. Archives de L. N. Tolstoï.