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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/347

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VIE ET ŒUVRE

Vêtus de caftans, chaussés de lapti, la besace sur le dos, ils quittèrent Iasnaïa-Poliana, le 10 juin 1881. Le maître d’école Dmitri Feodorovitch les accompagnait. Le lendemain, de Krapivna, Tolstoï écrivit à sa femme :

« Je suis arrivé plus mal que je n’avais pensé, avec une masse de durillons, mais j’ai dormi, et maintenant je me sens bien.

« Ici, j’ai acheté des bas, et ça va mieux. C’est agréable, utile et très instructif. Dieu donne seulement que vous tous soyez bien portants et que rien de mauvais ne soit ni avec toi, ni avec moi. Autrement je regretterais d’avoir fait ce voyage. On ne peut s’imaginer jusqu’à quel point c’est neuf, important et utile pour l’âme de voir comment vit le monde, le vrai, pas celui que nous nous arrangions et duquel nous ne sortions pas, même en faisant le tour du globe. Dmitri Feodorovitch ira avec nous jusqu’à Optina. C’est un homme doux et vénérable. Nous avons passé la nuit à Sélevano chez un riche paysan. Je t’écrirai d’Odoiev et de Belev. Je me soigne bien ; j’ai acheté des pruneaux pour mon estomac. Si tu voyais la fillette de l’âge de Michel que j’ai vue hier à l’auberge, tu en deviendrais amoureuse. Elle ne parle pas, mais comprend tout et sourit sans cesse, et personne ne s’occupe d’elle. Le principal sentiment nouveau, c’est de se reconnaître devant soi et devant les autres ce que l’on est, soi, sans l’entourage. Aujourd’hui, un paysan en télègue nous dépasse : — « Grand-père, où vas-tu ? » — Au couvent Optina. — « Quoi, y vas-tu vivre ? » Et la conversation continua. Que seulement les enfants, grands et petits, ne