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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/377

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VIE ET ŒUVRE

l’exiguité du lieu où s’entassaient ces gens, par le mélange des hommes et des femmes. Toutes les femmes qui n’étaient pas ivres-mortes étaient couchées avec des hommes. Beaucoup de femmes, avec des enfants, étaient couchées sur des planches étroites, avec des étrangers. Le spectacle était terrible par la misère, la débauche, et la terreur de tous ces gens, et principalement par leur nombre. Après ce logis, un pareil, un troisième, un dixième, un vingtième, sans fin, et partout la même puanteur suffocante, partout l’étroitesse, le mélange des sexes : des hommes et des femmes ivres jusqu’à l’abrutissement, et, sur tous les visages le même effroi, la même docilité et la même culpabilité. De nouveau, je ressentis de la honte et de la peine, comme dans la maison de Liapine, et je compris que ce que je voulais faire était mauvais, sot et, par conséquent, impossible. Et déjà, je n’inscrivais personne, je n’interrogeais plus, sentant que c’était en vain. »

Citons encore un épisode du recensement qui, de l’aveu de Tolstoï, eut une grande influence sur l’évolution de ses pensées et de ses sentiments.

À la fin de janvier, V. K. Sutaïev vint à Moscou et alla voir Tolstoï. Cette visite est même ainsi narrée par la comtesse Tolstoï à sa sœur, dans sa lettre du 30 janvier 1882.

« Hier, nous avions du monde très select : la princesse Galitzine et sa fille avec son mari, Mme Samarine et sa fille, le jeune Mansourov, Mme Khomiakov, les Sverbeïev, etc. De pareilles soirées sont toujours ennuyeuses, mais nous fûmes sauvés par la présence d’un sectaire, Sutaïev, duquel maintenant