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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/378

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LÉON TOLSTOÏ

tout Moscou parle, qu’on présente partout et qui propage ses idées partout.

« Il y a de lui un article dans la Pensée russe, de Prougavine. Ce Sutaïev est effectivement un vieillard remarquable. Chez nous, il se mit à faire sa propagande dans le cabinet de travail, et voilà que, du salon, tous vinrent l’écouter, et la soirée se termina ainsi. Quelle quantité et quelle variété de gens viennent chez nous : des littérateurs, des artistes, le grand monde, des nihilistes, et Dieu sait qui encore. »

Cette visite fournit à Tolstoï l’occasion de causer avec Sutaïev de l’œuvre que lui avait suggérée le recensement, et voici ce que rapporte Tolstoï de cet entretien, dans son livre : Que devons-nous faire ?

« Je dis tout ; comment nous devions secourir les orphelins et les vieillards, rapatrier les villageois pauvres, faciliter le relèvement des débauchés, et que, si tout allait bien, il n’y aurait plus à Moscou un homme qui ne trouvât du secours. Au cours de la conversation, je regardai Sutaïev. Connaissant sa vie chrétienne et l’importance qu’il attribuait à la miséricorde, j’attendais de lui l’approbation, et je parlais de façon qu’il me comprît.

« Il était assis immobile, dans sa petite pelisse de mouton noir, qu’il portait dans la rue et dans l’appartement, comme tous les paysans, et il avait l’air de ne pas écouter et de penser autre chose. Ses petits yeux ne brillaient pas ; ils paraissaient regarder en lui-même. Après avoir longtemps parlé, je lui demandai ce qu’il pensait de cela : — « Ce sont des bêtises, » dit-il. — « Pourquoi ? » — « Mais toute votre société c’est de la bêtise, il n’en sortira rien