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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/406

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LÉON TOLSTOÏ

de les voir briller, faire du bruit, et m’amuser. Et si l’on ne rejette pas les jouets, on ne sera pas parfait, on ne sera pas chrétien. Nous ne donnons pas aux autres notre caftan, nous n’aimons pas toute la vie une seule femme, et nous ne refusons pas les armes, car, pour ce refus, on nous emprisonnerait. »

À la même époque, loin de sa patrie, s’éteignait un autre grand artiste, I. S. Tourgueniev. Sentant la mort venir, il pensa à son illustre contemporain, et, à la fin de juin, il lui écrivit une lettre, bien connue du public russe, où pour la première fois il donna à Tolstoï le titre qui lui est resté : grand écrivain de la terre russe.

Voici cette lettre ;

« Bougival, 28 juin 1883. Cher Léon Nicolaiévitch. Depuis longtemps je ne vous ai pas écrit, car à dire vrai j’étais et suis sur mon lit de mort. Je ne puis me rétablir, il n’y a pas même à y penser. Je vous écris pour vous dire combien je fus heureux d’être votre contemporain et vous formuler une dernière prière. Mon ami ! retournez à la littérature. C’est votre don, qui vient d’où vient tout le reste. Ah ! que je serais heureux si je pouvais penser que mes paroles auront quelque influence sur vous !… Moi je suis un homme fini. Les docteurs ne savent même pas quel nom donner à ma maladie : névralgie stomacale goutteuse.

« Je ne puis ni manger ni dormir. Mais quoi ! c’est même ennuyeux de répéter tout cela. Mon ami, grand écrivain de la terre russe, écoutez ma demande. Failes-moi savoir si vous recevez ce chiffon de papier, et permettez-moi encore une fois