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EN CANOT DE PAPIER.

J’avais fait vingt milles en trois heures ; mais l’honneur de cette vitesse revient tout entier à la rapidité du courant. Mon hôte ne me parut pas très-amoureux de la solitude à laquelle il était condamné. Ses chefs l’avaient envoyé de Wilmington pour diriger et protéger leur exploitation de térébenthine, située dans une forêt déserte d’une superficie de quatre mille acres qui étaient évalués, avec la distillerie, à cinq mille dollars. Un vieux noir qui conduisait l’alambic remplissait en même temps les fonctions de cuisinier ; il était le seul compagnon de M. Hall.

Nous venions de terminer notre frugal repus, quand un homme à cheval, criant dans l’obscurité, vint à la maison. Ce personnage, quoique très-ivre, représentait l’ordre et la loi dans ce district, et en effet j’appris que ce Jim Gore était un juge de paix. Il me salua d’une façon très-bruyante. S’étant assis près du feu, il demanda encore une fois la bouteille. Son estomac, disait-il, était aussi altéré qu’un four à chaux, et bien que l’eau soit capable d’éteindre la chaux, il demandait quelque chose de plus actif que l’eau pour éteindre le feu qui le dévorait intérieurement. Il eut toute sorte de défiances lorsque M. Hall lui parla de mon voyage en canot. Après m’avoir toisé de la tête aux pieds d’une manière aussi assurée que son état le lui permettait, le squire me dit vivement : « Je vois bien, étranger, que cela ne peut pas être. Quel peut être le but de ce voyage dans un dug-out en papier ? » J’alléguai un vif désir d’étudier la géographie ; dans sa sagesse il reprit : « Géographie ! géographie ! Mais les hommes qui