Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/237

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chapitre onzième.

me doive pour remettre tous ces gens-là dans la voie droite. » Il termina en faisant un sermon à M. Hall sur son extrême tempérance, car ses recherches dans toutes les directions ne lui avaient fait trouver que des bouteilles pleines du vide le plus désolant.

Alors il se laissa choir dans le milieu du lit, en me serrant près du mur ; le pauvre Hall, qui avait le devant du lit, passa la nuit à s’ingénier de corps et d’esprit à garder sa place ; car lorsque S. M. la loi manœuvrait des bras et des jambes, elle jetait d’un côté le voyageur contre le mur, et de l’autre elle précipitait par terre M. Hall. C’est ainsi que je passai ma première nuit dans le grand marais du Waccamaw.

Le cuisinier noir nous donna un premier déjeuner, composé de lard, de pommes de terre et de pain de maïs. Le squire regardait toujours autour de lui pour trouver la bouteille, mais cette fois encore sans succès. Il m’aida à emporter mon canot, le long des sentiers détrempés du sombre marais, jusqu’auprès d’un train de bois, puis, après m’avoir serré affectueusement la main, il me dit : « Mon cher B…, j’aurai bien peur pour vous tant que vous n’aurez pas passé ces affreuses sorcières. Prenez garde à votre petit bateau, ou il vous arrivera malheur ! »

Poussé par la pagaie, le canot semblait voler à travers la forêt dont les arbres élevaient hors de l’eau leurs branches drapées de mousse. Les orfraies ne cessaient pas de crier ; la voix plaintive de cet oiseau des ténèbres résonnait dans l’épaisseur des bois, et elle continua à se faire entendre à diverses reprises pendant toute la jour-