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chapitre douzième.

Au-dessus de rizières de terres d’alluvion, riches et noires, on voit un plateau sur lequel avaient été bâtis le manoir et le village du gouverneur Aiken, et où il avait commencé, en 1830, à s’occuper de la culture du riz. Une haie d’arbustes d’un vert tendre entourait le jardin bien entretenu, dans lequel les magnolias et les chênes verts formaient un abri protecteur à l’ancien manoir, en le préservant des grands vents de l’Océan ; çà et là, des buissons fleuris de toutes espèces ajoutaient leurs vives couleurs à la beauté pittoresque du lieu.

Le gouverneur était arrivé avant moi à Jehossee, et le samedi, jour de paye, les figures des noirs étaient radieuses. Je restai jusqu’au lundi dans la paisible demeure de l’excellent homme et du bon patriote dont l’âme avait été mise comme à l’épreuve du feu par les catastrophes de la guerre.

Nous étions assis ensemble dans le même salon où, il y a quelques années, déjà bien loin de nous, le gouverneur Aiken avait reçu ses hôtes du Nord, en même temps que des Anglais appartenant à la noblesse de leur pays ; salon rempli de souvenirs à la fois agréables et pénibles. Mon bon hôte voulut bien me raconter en détail l’histoire de sa vie laborieuse, qui ressemblait à un conte de fée. Il était de ceux qui avaient lutté contre la sécession quand le fléau de la guerre vint fondre sur le pays. Lorsqu’elle éclata, les avis du gouverneur Aiken furent noyés dans les tonnerres de la tempête politique qui ravagea les belles contrées du Sud. Avant la guerre, il possédait un millier d’esclaves ; il avait organisé des écoles afin d’apprendre à ses noirs à lire et à écrire.